LETTONIE - RUSSIE, Traités et documents de base

Convention de définition de l'agression du 3 juillet 1933


Convention de définition de l'agression du 3 juillet 1933

Le Président de la République de Lettonie,
le Président de la République d'Estonie,
le Président de la République de Pologne,
Sa Majesté le Roi de Roumanie,
le Président de la République de Turquie,
le Comité Central Exécutif de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes,
Sa Majesté Impériale le Shah de Perse,
et Sa Majesté le Roi d'Afghanistan,

Désireux de renforcer la paix existant entre leurs pays;

Considérant que le Pacte Briand - Kellogg, dont ils sont signataires, interdit toute agression;

Estimant, dans l'intérêt de la sécurité générale, de définir de manière aussi précise que possible l'agression afin de prévenir tout prétexte pour sa justification;

Constatant que tous les Etats ont également droit à l'indépendance, à la sécurité, à la défense de leurs territoires, et au libre développement de leurs institutions;

Animés du désir, dans l'intérêt de la paix générale, d'assurer à tous les peuples l'inviolabilité du territoire de leur pays;

Jugeant utile, dans l'intérêt de la paix générale, de mettre en vigueur entre leurs pays des règles précises définissant l'agression, en attendant que ces dernières deviennent universelles,

Ont décidé, dans ces buts, de conclure la présente Convention et ont dûment autorisé à cet effet:

Le Président de la République de Lettonie:
M.Waldemars Salnais, Ministre des Affaires Etrangères;
le Président de la République d'Estonie:
M.le Dr.Oskar Kallas, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire à Londres;
le Président de la République de Pologne:
M.Edouard Raczynski, Délégué permanent auprès de la Société des Nations, Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire;
Sa Majesté le Roi de Roumanie:
M.Nicolas Titulesco, Ministre des Affaires Etrangères;
le Président de la République de Turquie:
Tevfik Rüstü-bey, Ministre des Affaires Etrangères;
le Comité Central Exécutif de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes:
M.Maxime Litvinoff, Commissaire du Peuple aux Affaires Etrangères;
Sa Majesté Impériale le Shah de Perse:
Fatollah Khan Noury Esfandiary, Chargé d'Affaires à Londres;
et Sa Majesté le Roi d'Afghanistan:
Ali Mohammed Khan, Ministre de l'Instruction Publique,

Lesquels ont convenu des dispositions suivantes:

Article I.
Chacune des Hautes Parties Contractantes s'engage dans ses rapports mutuels avec chacune des autres et à partir du jour de la mise en vigueur de la présente Convention la définition de l'agression telle qu'elle a été expliquée dans le rapport du Comité pour les questions de sécurité en date du 24 mai 1933 (Rapport Politis) à la Conférence pour la réduction et la limitation des armements, rapport fait à la suite de la proposition de la Délégation Soviétique.

Article II .
En conséquence, sera reconnu comme agresseur dans un conflit international, sous réserve des accords en vigueur entre les parties du conflit, l'Etat qui, le premier, aura commis l'une des actions suivantes:

1) Déclaration de guerre à un autre Etat;

2) Invasion par des forces armées, même sans déclaration de guerre, du territoire d'un autre Etat;

3) Attaque par ses forces terrestres, navales ou aériennes, même sans déclaration de guerre, du territoire, des navires, ou des aéronefs d'un autre Etat;

4) Blocus naval des côtes ou des ports d'un autre Etat;

5) Appui donné à des bandes armées qui, formées sur son territoire, auront envahi le territoire d'un autre Etat, ou refus, malgré la demande de l'Etat envahi, de prendre, sur son propre territoire, toutes les mesures en son pouvoir pour priver lesdites bandes de toute aide ou protection.

Article III.
Aucune considération d'ordre politique, militaire, économique ou autre ne pourra servir d'excuse ou de justification à l'agression prévue à l'Article II. (A titre d'exemple voir l'Annexe.)

Article IV.
La présente Convention sera ratifiée par les Hautes Parties Contractantes conformément à la législation de chacune d'entre elles.

Les instruments de ratification seront déposés par chacune des Hautes Parties Contractantes auprès du Gouvernement de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes:

Aussitôt que les instruments de ratification auront été déposés par deux des Hautes Parties Contractantes, la présente Convention entrera en vigueur entre ces deux Parties. Elle entrera en vigueur pour toutes les autres Hautes Parties Contractantes à mesure que ces dernières déposeront à leur tour leurs instruments de ratification.

Chaque dépôt des instruments de ratification sera immédiatement notifié par le Gouvernement de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes à tous les signataires de la présente Convention.

Article V.
La présente Convention a été signée en huit exemplaires dont chacune des Hautes Parties Contractantes en a reçu un.

En foi de quoi les Plénipotentiaires énumérés ci-dessus ont signé la présente Convention et y ont apposé leurs sceaux.

Fait à Londres, le 3 juillet 1933.

W.Salnais
O.Kallas
Edouard Raczynski
N.Titulesco
Dr.Rüstü
Maxime Litvinoff
F.Khan Noury Esfandiary
Ali Mohammed


ANNEXE A L'ARTICLE III. DE LA CONVENTION RELATIVE A LA DEFINITION DE L'AGRESSION.

Les Hautes Parties Contractantes signataires de la Convention relative à la définition de l'agression,

Désirant, sous la réserve expresse de ne restreindre en rien la portée absolue de la règle posée à l'Article III. de ladite Convention, fournir certaines indications de nature à déterminer l'agresseur,

Constatant qu'aucun acte d'agression au sens de l'Article II. de ladite Convention ne pourra, entre autres, être justifié par l'une des circonstances suivantes:

A. La situation intérieure d'un Etat, par exemple
sa structure politique, économique ou sociale; les défauts allégués de son administration; les troubles provenant de grèves, révolutions, contre-révolutions ou guerre civile.

B. La conduite internationale d'un Etat, par exemple
la violation ou le danger de violation des droits ou intérêts matériels ou moraux d'un Etat étranger ou de ses ressortissants; la rupture des relations diplomatiques ou économiques; Les mesures de boycottage économique ou financier; les différends relatifs à des engagements économiques, financiers ou autres envers des Etats étrangers; les incidents de frontière ne rentrant pas dans un cas d'agression indiqués dans l'Article II.

Les Hautes Parties Contractantes sont d'autre part d'accord pour reconnaître que la présente Convention ne devra jamais servir à légitimer les violations du droit des gens qui pourraient être impliquées dans les circonstances comprises dans l'énumération ci-dessus.

W.Salnais
O.Kallas
Edouard Raczynski
N.Titulesco
Dr.Rüstü
Maxime Litvinoff
F.Khan Noury Esfandiary
Ali Mohammed


PROTOCOLE DE SIGNATURE.

Il est convenu entre les Hautes Parties Contractantes que si ultérieurement un ou plusieurs des autres Etats immédiatement voisins de l'Union des Républiques Soviétiques Socialistes adhère à la présente Convention, cette adhésion lui ou leur conférera les mêmes droits et imposera les mêmes obligations que ceux des signataires originaires.


Source:
Prof.G.ALBAT, Recueil des principaux Traités conclus par la Lettonie avec les Pays Etrangers vol.II 1928-1938. p.175, Publié par le Ministère des Affaires Etrangères. Riga 1938.

Commentaires:
  • Les articles 2 et 3 de cette Convention de définition de l'agression (rédigée à l'initiative de l'URSS et ratifiée par elle) qualifient les invasions armées de la Pologne (septembre 1939), des Etats baltes et de la Bessarabie (juin 1940) d'actes de guerre dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale au même titre que la guerre avec la Finlande.
  • Cette Convention fut violée par l'invasion militaire soviétique du 17 juin 1940, en application des protocoles secrets du Pacte Ribbentrop-Molotov.

  • Sabine Dullin dans son livre « Des hommes d'influences, les ambassadeurs de Staline en Europe 1930-1939 »,(Payot, Paris 2001, p.383) recentre cette convention en analysant comment, dès son adhésion, à la Société des Nations en 1933, l'URSS tenta de rendre plus efficace le concept de « sécurité collective » dans la zone tampon entre l'URSS et l'Allemagne :

    p.128
    « Litvinov se préoccupait en particulier de la zone baltique qui lui semblait être la « la place d'armes probable dans une guerre future contre l'URSS et, étant donné l'hostilité polonaise, la seule voie d'accès à l'Allemagne au cas où l'URSS devrait honorer ses engagements à l'égard de la France. C'est pourquoi il insista à de nombreuses reprises, au cours des négociations avec les français, pour qu'ils garantissent directement leur assistance aux pays baltes, ce qui réduirait le poids de l'Allemagne sur ces états. Les plans stratégiques de l'Armée rouge élaborés en 1935 envisageaient de même une direction de l'agression allemande vers la Baltique à travers la Lithuanie puis la Lettonie.»

    p.129
    « Le projet de pacte oriental renforçait cette solidarité entre voisins puisqu'il s'agissait dorénavant non seulement de ne pas s'attaquer, mais aussi de se défendre les uns les autres en cas d'agression. Loin d'être philanthropique, cela dénotait une conception impériale de la sécurité puisque l'idée sous-jacente était de pouvoir se prémunir d'une agression allemande contre le territoire soviétique en intervenant dans les zones considérées comme tampon et qui avaient appartenu à l'Empire russe jusqu'en 1917. »

    p.160
    « Contrairement aux Anglais qui voulaient ôter tout caractère contraignant aux sanctions prises contre l'agresseur afin d'accueillir à nouveau l'Allemagne à Genève, les Soviétiques demandaient un renforcement de l'article 16 portant sur les sanctions militaires contre l'agresseur... »
    modalités : délais de trois jours pour la convocation du Conseil en cas d'agression, résolution du Conseil avec majorité de ¾ , caractère obligatoire pour tous les membres de la SdN des sanctions économiques et financières, application obligatoire des sanctions militaires par les signataires des pactes d'assistance mutuelle.


    , Suisse Romande,01 octobre 1997 Mise à jour: 17 novembre 2001
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